#Covid-19 et surexposition professionnelle. 3 questions à …

Depuis toujours, le chirurgien-dentiste et son personnel exercent dans un milieu pollué, ils sont notamment largement exposés aux divers polluants dont de fortes concentrations de composés organiques volatils (COV) et de particules fines. Mais aujourd’hui, avec la pandémie de Covid-19 et par le phénomène de l’aérosolisation lors des soins dentaires, cet environnement peut être délétère. Quelles solutions pour assurer au mieux sa sécurité ?

3 questions … au docteur Serge Deschaux, Expert auprès de la HAS et du groupe de travail Hygiène Asepsie de l’ADF.

Serge Deschaux

Docteur Serge Deschaux

Comment la profession peut-elle se protéger au mieux de la Covid ?

À 40 cm des bouches des patients et en cette période pandémique de Covid 19, les chirurgiens-dentistes sont clairement les professionnels de santé les plus exposés. Même si la profession dans son ensemble va pouvoir accéder au vaccin, il faut compter environ 1 mois après la première injection (Pfizer) avant d’atteindre l’immunité maximale.

Le respect des règles d’hygiène et d’asepsie telles que définies dans les 19 recommandations essentielles émises par le conseil scientifique de l’ADF est indispensable à la sécurité des soins. Il représente plus que jamais la meilleure des protections pour « ce combattant de première ligne qu’est le chirurgien-dentiste ».

La principale difficulté réside dans l’aérosolisation.

Si la profession ne découvre pas véritablement ce phénomène, il s’avère que ces micros particules envoyées par les instruments dynamiques dans l’environnement de soins peuvent être potentiellement chargées de virus.

À ce jour, le masque FFP2  reste la meilleure protection du chirurgien-dentiste face à ce risque (vs le masque chirurgical). Si le pouvoir filtrant est le même que pour un masque chirurgical, le taux de fuite de ces deux masques diffère. Avec un masque FFP2, le taux de fuite est de l’ordre de 8% contre 20% pour un masque chirurgical.

Pour une parfaite efficacité, le praticien doit bien l’adapter au contour de son visage. Il faut au préalable essayer les différents modèles et choisir la bonne référence pour soi. A titre d’exemple, à l’hôpital, notamment dans les services de pneumologie (tuberculose), les porteurs de masques FFP2 passent un « Fit test » afin de vérifier par la mesure que la marque, le modèle et la taille du masque s’ajustent parfaitement à son porteur pour une protection optimale. Concrètement, la diffusion d’arômes et d’odeurs dans un caisson indique au porteur du masque si l’étanchéité est bonne ou non. Il ne doit rien sentir. Nous n’en sommes pas là au cabinet dentaire, mais cette remarque souligne l’importance absolue d’une étanchéité recherchée.

Pour rappel, le FFP2 a une durée de vie de 8h (en continu) contre 4h (en continu) pour le masque chirurgical. La difficulté est que ces indications ne sont valables que si on ne touche pas son masque. Or bien souvent les praticiens réajustent leur masque, ce qui contrarie son efficacité.

Dans le même sens, il est déconseillé aux hommes de porter la barbe, car même naissante, elle influe sur le taux de fuite.

Enfin, s’agissant de la qualité de l’air dans un cabinet dentaire, il faut rappeler que l’atmosphère y est 16 fois plus polluée que l’air extérieur (Polednik B. et al., 2014) à cause des aérosols dont les COV (composés organiques volatils) et les particules fines. L’aération du local pendant 15 mn reste la meilleure des protections.

Quid des purificateurs d’air d’intérieur ?

Les offres commerciales autour des purificateurs d’air d’intérieur pullulent. « Cette offre est opportune sinon opportuniste ».

Les praticiens doivent être particulièrement vigilants sur cet investissement : il n’y a pas encore de normes définies en France ni même en Europe.

Par exemple, L’INRS déconseille l’acquisition d’appareils de traitement physico-chimique de l’air (catalyse, photocatalyse, plasma, ozonation, charbons actifs…) qui, s’ils détruisent les aérosols, dégagent des sous-produits réactionnels, tels que des agents chimiques, produits mutagènes qui sont eux-mêmes très dangereux.

Il en va de même pour la désinfection aux ultraviolets. Ces appareils désinfectent dans un rayon très restreint et dans les seules zones accessibles aux rayons, et ils ne doivent jamais fonctionner en présence de personnels (dangers pour la peau et les yeux).

De manière générale, il faut se méfier des labels dont les tests sont réalisés in vitro (laboratoires), donc aucunement en conditions réelles et dont les résultats sont souvent surestimés.

Méfiance aussi face au dispositif DSVA (Désinfection des Surfaces par Voie Aérienne), telles que les bombes aérosols qui diffusent un brouillard sec. Elles ne désinfectent pas l’air mais juste sur la surface, à condition que celle-ci soit bien dégagée et nettoyée.

Les huiles essentielles et autres substances de synthèse quant à elles ne bénéficient pas (encore) d’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Concernant le traitement de l’air par piégeage, seuls les dispositifs équipés de filtres HEPA (High-efficiency particulate air) de classe minimale H13 selon la norme EN 1822-1 et installés de manière parfaitement étanche peuvent être retenus. Sans se substituer aux apports d’air extérieur, ils arrêtent efficacement les aérosols susceptibles de véhiculer des virus, à condition d’un entretien régulier et du respect des volumes à traiter (des vitesses trop élevées pouvant par contre entraîner la re-dispersion des gouttelettes).

La recommandation est la suivante : étudiez de près ce dossier avec un professionnel, indiquez-lui les volumes à traiter, la disposition du cabinet… Mais rappelez-vous, le plus parfait filtre ne dispense pas de l’entrebâillement de la fenêtre pour un renouvellement d’air naturel. Et si le local est dépourvu de fenêtre, on installe une Centrale de traitement d’air.

Et surtout, on pense à arrêter la climatisation en période pandémique, et ce, même si elle équipée d’un filtre HEPA.

Petit conseil : équiper son cabinet d’un détecteur de CO2 reste un excellent indicateur du renouvellement de l’air !

Qu’est-ce qui fera référence après la crise de la Covid-19 ?

Déjà reconnue comme « bonne élève », la profession progresse encore, certes sous la contrainte mais elle continue de se perfectionner pour assurer sa protection et celle de ses patients.

À terme, un nouvel arbitrage entre le  » « raisonnable » et le « raisonné » devront guider la profession dans des choix éminemment médico-économiques et pouvant préserver la qualité de vie au travail ».

Mais nul doute qu’après la crise, la profession en sortira plus forte. Elle est douée d’une très forte résilience. Elle aura revu sa façon d’exercer, en ayant beaucoup appris des épreuves traversées. Cette image hautement sécurisée de son exercice ne fait que renforcer le professionnalisme de la profession.

Enfin, « ce grand individualiste qu’est le chirurgien-dentiste » a su témoigner, face à l’adversité de la crise d’une certaine solidarité professionnelle. Lorsque les EPI sont venus à manquer, il y a eu beaucoup d’entraide* et l’excellente gestion des urgences a su démontrer aux pouvoirs publics tout ce dont la profession unie était capable.

*En Occitanie, la recherche et l’achat d’équipements de protection individuelle par L’URPS ont permis que les gardes soient assurées en toute sécurité dans toute la région et que les praticiens puissent reprendre leur activité dès le déconfinement.

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